La Nouvelle-Calédonie : un projet multiculturel ?


26-11-2018

Colloque à l’Université de la Nouvelle-Calédonie, les 26 et 27 novembre 2018.

Le colloque a pour objet de visiter et confronter les concepts de spécificité et de diversité avec comme entrée les questions de temporalités qui fondent deux axes du projet de recherche de l’équipe TROCA.

Les anciennes revendications sociopolitiques kanak intégrées dans les deux accords politiques – Matignon-Oudinot, 1988 et Nouméa, 1998 – ont mis en exergue le concept de « spécificité ». Les politiques, les analystes, les syndicalistes et acteurs civils et des systèmes socio-éducatifs le mobilisent pour fonder des perspectives en vue d’un « pays émancipé ». L’idée de spécificité calédonienne est entrée dans les discussions quotidiennes, cependant son usage n’échappe pas toujours aux connotations exotiques véhiculées depuis la colonisation, par lesquelles l’indigène est soumis et sous le regard du dominant. Pourtant la spécificité revendiquée ne consiste pas à recréer des « réserves » pour mieux en faire miroiter « l’exotisme » aux yeux de l’étranger. Jean-Marie Tjibaou mettait en garde à ce qu’elle ne soit pas une façon de fossiliser la culture ou de la chosifier.

Il est difficile de parler de spécificité revendiquée sans poser la question préalable de la reconnaissance des diversités et de ce qui fait leur contenu, leur réception et l’éventuelle existence d’un espace de reconnaissance négocié. Or, on peut caractériser la société calédonienne comme une société plurielle tout à la fois figée et en mouvement. La société est hétérogène dans sa composition comme dans la représentation qu’elle a d’elle-même ; le seul lien social est d’ordre politique : c’est l’État ou la puissance de tutelle qui assure l’unité d’une société qui n’existe pour l’essentiel qu’à travers lui /elle. Les inégalités socio-économiques recoupent en grande partie les clivages culturels, avec au bas de l’échelle les communautés culturelles autochtones et en haut les populations issues du pays colonisateur, qui connaissent elles-mêmes des inégalités très marquées.

La société calédonienne est figée car le premier processus de démocratisation et de décolonisation qui a suivi la seconde guerre mondiale est resté inachevé ; cela confère à la structure sociale calédonienne une dimension demeurée potentiellement conflictuelle jusqu’à aujourd’hui. Pourtant le tableau est contradictoire : la société est aussi en mouvement, du moins s’y efforce-t-elle depuis les accords politiques de 1988-1998 qui visent à décoloniser le pays, rééquilibrer les relations entre ses composantes et jeter les bases d’une communauté de destin, autrement dit les fondements d’une société réellement multiculturelle qui doit s’adapter aux enjeux du 21ème siècle.

C’est dans ce cadre dialectique complexe que se pose la question des identités et spécificités culturelles. Comment, dans ce contexte, les communautés calédoniennes sont-elles conduites à reformuler leur identité propre et la représentation qu’elles se font de celles-ci et des liens qu’elles entretiennent dans un espace commun ? Les essais de reformulation sont multiples, les échecs aussi, les réussites encore à évaluer. Trois axes d’étude sont proposés pour ces deux jours de colloque qui donnera la parole aux acteurs issus des champs académiques et institutionnels et de la société civile.

 

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